Auteur, entre autres ouvrages, des livres Les raisons de ne pas craindre l’islam et Islam en Occident : les enjeux de la cohabitation, Samir Khalil Samir est un Égyptien copte et jésuite qui vit à Beyrouth où il enseigne à l’université Saint-Joseph. Orientaliste et islamologue reconnu, ce professeur de philosophie et de théologie enseigne aussi à l’Institut pontifical oriental de Rome. Dans une interview accordée le 27 août et publiée sur le site d’information catholique américain National Catholic Register, le père Samir Khalil Samir parle de la situation précaire en Égypte, où des églises ont été attaquées par des sympathisants des Frères musulmans après l’expulsion du président Morsi, et aussi de la guerre civile syrienne. Le Jésuite met en garde contre la tentation des Occidentaux de vouloir affaiblir le président Assad car, dit-il, la chute d’Assad ne résoudra rien. Pour mettre fin à cette guerre, il faut que toutes les parties au conflit puissent s’asseoir à la table des négociations, sans exclure personne, y compris le régime en place.
En effet, la défaite d’Assad ne serait pas seulement celle de son régime mais aussi celle de la communauté alaouite et des autres minorités religieuses, car ce qui a commencé comme une révolte contre la dictature pour obtenir démocratie et libertés s’est transformé, avec l’arrivée d’éléments extérieurs sunnites, en une confrontation entre fondamentalistes sunnites, soutenus par l’Arabie saoudite et le Qatar, et musulmans chiites représentés par les alaouites et soutenus par l’Iran et le Hezbollah libanais. Selon le père Samir, les sunnites considèrent les chiites comme des infidèles encore pires que les juifs et les chrétiens, et, insiste-t-il, le fondamentalisme musulman fait partie de l’islam : « Ceux qui disent que cela n’a rien à voir avec l’islam, que l’islam une religion de tolérance etc., c’est du blabla. La violence a toujours fait partie de l’islam tel qu’il est interprété. Ce n’est pas tout l’islam et il est clair que la majorité des musulmans ne soutiennent pas le terrorisme. Mais ceux qui le soutiennent ne le font pas en leur propre nom ou au nom de la politique, mais au nom de Dieu et de l’islam. Ils ont toujours un mufti pour émettre une fatwa qui dit qu’il faut combattre tel groupe au nom de Dieu, conformément au Coran. »
Interrogé sur les raisons qui font trop souvent des chrétiens une cible privilégiée, le père Samir Khalil Samir explique que les principales motivations sont idéologiques : « Qui attaque les chrétiens et détruit les églises ? Ce n’est pas mon voisin musulman, ce sont des groupes qui excluent les autres. Vous avez les sunnites qui excluent les chiites. Ils excluront forcément aussi les juifs, les chrétiens, et ainsi de suite. Un groupe qui exclut les autres, ce sont des terroristes en puissance. Ils recourront au terrorisme quand l’occasion se présentera. C’est ce que nous avons vu en Égypte, par exemple. »
Quand à l’intervention de l’armée en Égypte, le père Samir regrette que l’Occident ait pu voir en Morsi un président démocratique. Il rappelle que Nasser, Sadate et Moubarak avaient aussi été élus dans des élections et également que les Frères musulmans ont été les seuls, après la révolution de 2011, à pouvoir faire campagne en tant que parti politique organisé, les partisans de Moubarak ayant été exclus et les autres opposants n’étant pas organisés. L’armée égyptienne a traditionnellement été du côté du peuple. « Pendant la révolution de janvier 2011 et les semaines qui ont suivi, l’armée a soutenu l’opposition. Pourquoi n’avons-nous pas alors parlé d’un coup d’État militaire ? Parce que ce coup d’État venait du peuple. » Et c’est aussi ce qui s’est passé lorsque le président Morsi et les Frères musulmans ont été chassés, fait remarquer le Jésuite qui rappelle aussi la gestion économique désastreuse du gouvernement des Frères musulmans, les attaques de leurs sympathisants contre les chrétiens coptes et le passage en force du président Morsi avec une constitution rédigée en un mois et adoptée en une semaine.
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